L’orme
« Attendre sous un orme »
Expression populaire
L’expression signifie « attendre longtemps et en vain ». Et ce n’est pas notre but.
Les ormes (ce nom est d’origine latine via une racine celtique) ornaient souvent, autrefois, les places ménageant un large espace à l’ombre pour rassembler autour de débats, ou de réunions festives destinées à la rencontre, à la célébration des mariages, à la danse autour de mets et libations diverses et aussi aux contes pour tous les habitants des villages. Au Moyen-Age, des juges de village y tenaient également des procès. Mais les plaideurs étant rarement compétents, il était courant de les faire attendre. Parfois, ces derniers ne prenaient donc même pas la peine de venir. On les attendait donc en vain. (Référence dans Gil Blas- 1715-),d’où cet ironique adage « attendre sous l’orme ».
Aujourd’hui, cela pourrait vouloir dire, « attendre, chercher longtemps ».
Car en 1970, une catastrophe sanitaire appelée graphiose (un champignon nommé « Ophiostoma ulmi » et transmis pas un scolyte, insecte proche de celui qui décime les épicéas) s’est attaquée à nos beaux ormes, une des composantes majeures de nos paysages et les ont décimés. Les rares individus qui ont évité ce fléau sont devenus rares ET précieux. Et nous avons la chance d’en avoir un en bonne santé sous le couvert de la futaie. Il culmine à environ 19 m de hauteur. La circonférence de son tronc est d’1m20 ce qui lui donnerait un âge entre 50 et 70 ans. Plutôt plus de 50 ans car il ne peut qu’avoir été planté avant l’épidémie qui a débuté il y a 53 ans…
Il déploie ses branches légères dans le soleil d’octobre et perd gracieusement de jolies feuilles au dessin caractéristique, du même or que celui du Ginkgo, sur le petit sentier qui mène à la Grande Maison en compagnie de deux jeunes chênes.
L’intérêt de cet arbre est scientifique et symbolique. Les chercheurs, quand on en trouve un, ont une opportunité de l’observer et de le soumettre à des tests qui permettrait peut-être de repeupler nos forêts.
En Bretagne, il y en a toujours eu sous les couverts ou plutôt sur les lisières qu’ils affectionnaient. Ou en isolé sur les places comme il a été déjà dit.
Il servait, comme le Hêtre, de symbole d’accueil et de retour du printemps. On en liait un bouquet et on le plaçait sur la porte le 1er mai. Il faut dire que ses jeunes feuilles d’un vert tendre, toutes plissées sortant leur nez au soleil, encore fragiles, représentent bien cette saison d’espoir et de renouveau.
On a tenté d’importer des ormes américains (orme blanc) venus du Massachusetts. C’est un bel arbre comme celui d’Europe. Mais il était, lui aussi, menacé dans son biotope naturel par ce parasite venu de Chine. Et ne l’a pas remplacé, en définitive.
D’où l’urgence mondiale, puisqu’aucune solution pour éradiquer le méchant n’était trouvé, de découvrir un palliatif et de former des arbres résistants au fléau. Après plus de 30 ans de recherches, on a découvert plusieurs cultivars* (issus des instituts de recherche : Sapho, Lutèce et Vadavers 2022). Ils ont fait l’objet de replantations dans des sites historiques comme, par exemple, le jardin des Tuileries qui a restauré la grande allée plantée par Le Nôtre avec 92 ormes Vada (ulmus minor « Vanoux »). La pépinière qui les a fournis pratique l’agriculture biologique. Mais ceci a été rendu possible grâce à une opération de financement de 2 millions d’euros versés par 500 donateurs.
Ces repeuplements ne sont, donc, pas naturels et doivent être financés car les cultivars sont sous brevet (même si leur bouturage est possible).
Les rares ormes qui ont échappé au massacre de la maladie, sont, normalement, protégés. Il en existe de très vieux (comme l’Orme du Guidou, près de Morzine, planté vers 1850).
Les rescapés sont de véritables survivants. On constate que généralement, ce sont des sujets très isolés ou proches d’espèces d’autres essences diversifiées et surtout proches d’un point d’eau.
La présence proche d’une zone humide expliquerait la présence de celui du Parc de Volvire et sans aucun doute aussi plaiderait en faveur de la santé de ce Parc et de sa futaie. Les uns protégeant les autres et la régénérant.
L’orme est reconnaissable à sa feuille asymétrique, à ses fleurs sans pétales et en glomérules rouges apparaissant en mars sur les rameaux de l’année précédente, à ses akènes (fruits ailés) rondes avec une graine centrale apparaissant au printemps avant les feuilles (fruit angiosperme*) et son écorce ravinée avec des nœuds à maturité.
Notre responsabilité vis-à-vis de ce arbre rare est, donc, grande et ne peut être ignorée.
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« L’intelligence est un îlot que les marées humaines effritent et recouvrent »
Romain Rolland (in Jean Christophe)
*Cultivar : un cultivar est une variété de plante obtenue de façon artificielle en culture, par sélection, pour une résistance à certaines maladies.
*Angiosperme : plantes qui portent des fleurs puis des fruits. Les plantes à fleurs font partie de ces plantes mais les premiers arbres caractéristiques datent au début de l’ère secondaire au Crétacé. Entre 250 et 140 millions d’années. Les ont précédés les gymnospermes dont fait partie le Ginkgo, premier feuillu arrivé sur terre.