Le ginkgo

Le ginkgo

14 janvier 2024 Non

« Beaucoup de mystères demeurent encore sur l’histoire, la puissance ou la vie du Ginkgo. Les humains ne sont certains que d’une chose : ils savent qu’ils ont encore besoin de lui, et pour longtemps »

Alain Serres in  Ginkgo, le plus vieil arbre du monde

Il y a Une Ginkgo dans le Parc de Volvire

 Je vais vous conter la fabuleuse histoire du grand Ginkgo, un arbre voyageur et fossile…

Le Ginkgo est unique car c’est le seul lien vivant reliant les fougères et les conifères. En résumé, un des premiers arbres. Il a inventé les caractéristiques de tous les arbres après lui car il se reproduit par le biais de graine (les gymnospermes). Il est apparu il y a 265 millions d’années, bien avant l’arrivée des plantes à fleurs (les angiospermes) et même des dinosaures ! On a retrouvé des fossiles de ses feuilles sur les reste du Gondwana, un des continents formés au Néoprotérozoïque et dérivants après la scission du continent originel (La Pangée) qui donnera la plaque africaine, la plaque antarctique, la plaque indo-australienne et la plaque sud-américaine  (d’où vient notre autre arbre fossile l’Araucaria).

C’est ce bal des continents qui réunit dans notre Parc deux de ses plus anciens arbres, face à face.

Les siennes sont un peu spéciales : elles ressemblent à de petits abricots. Ce sont des ovules (pas des fruits) qui contiennent une graine nichée dans une coque dure qui, grillée, agrémente les fêtes de mariage ou exceptionnelles en Chine et au Japon (avec modération : elle peut être toxique). L’ovule se décompose au sol et donne à la graine les nutriments nécessaires à sa reproduction. Il apparait sur les sujets femelles car c’est un arbre dioïque soit avec des sexes différents et séparés. Le mâle porte, au printemps, des bouquets de pollen qui pendent pour féconder les ovules en formation de la femelle.  Qui doit, donc, être proche de lui. Souvent l’amande dégustée par les oiseaux est transportée plus loin dans leurs excréments pour que pousse un nouvel arbre.

Le nôtre est une femelle. Elle se reconnait à son port plus érigé que celui du mâle, à sa feuille qui est moins bilobée (Ginkgobiloba est le nom botanique de l’arbre) et surtout à ses ovules. Très nombreux sur les Dames Ginkgo fécondées, ils dégagent en tombant une odeur assez désagréable proche du vomi.  Mais la nôtre de Dame, non fécondée, n’a produit que 6 ou 7 ovules cette année, se révélant ainsi… Pas de Sire Ginkgo sans doute assez près pour lui transmettre son pollen. Cette caractéristique odorante fait que peu d’individus femelles aient été plantées lors de leur importation en Europe, puis aux États-Unis.

Et voilà un des pans extraordinaires du voyage botanique de ce bel arbre. Arrivé sous forme de graines aux Pays Bas vers le milieu du 17ème siècle, il restait mystérieux. En 1780 un botaniste français M. de Pétigny rapporta en France cinq pieds achetés à Londres pour le prix mirobolant de quarante écus. Il en offrit un au jardin de Plantes de Paris à Thouin. Mais que des mâles ! En 1814, un pied femelle a été découvert près de Genève. Et le Ginkgo de Thouin en 1838 fut greffé par  une branche femelle issue de la première greffe réalisée sur l‘individu femelle de Genève par Camuzet, un botaniste du Jardin des Plantes de Montpellier. Ouah !! Il atteignit le Jardin des plantes de Nantes vers 1840. Et le voilà planté aux environs de 1915 chez nous. Vous avez tout suivi. Une valse à trois temps !!!

 Et ce n’est pas fini !

Tout ceci pour vous emmener dans les longs périples accomplis par nos arbres dit « exotiques » (des migrants en quelque sorte !!). Et célébrer leur rencontre avec nos arbres dits autochtones, dans nos jardins d’agréments bretons.

Ces autochtones qui, eux aussi, ont opéré des pérégrinations de leur côté avant de pousser « cheu nous ». Un vaste réseau d’échange et d’importations datant de plusieurs siècles et montrant toute l’importance patrimoniale de ces arbres rapportés de loin, souvent par la mer,  et étudiés par des savants, puis mis à l’honneur dans les jardins privés proches des trois grands jardins des plantes botaniques français soit celui de Paris, celui de Montpellier et surtout celui de Nantes.

(Petite parenthèse sur le trajet des plantes, puisqu’on en parle autour de nous :

On peut faire remarquer que c’est aussi par un périple de génération en génération qu’est arrivé du Moyen Orient le blé, actuellement nourriture internationale et à l’origine de toutes nos cultures paysannes actuelles (dont celles de Bretagne). Le maïs lui vient d’Amérique latine à partir de 1515.  Les pommes de terre et les courges aussi. Toutes des plantes exotiques ! Un dernier petit tour avec le sarrasin, LA céréale bretonne ? Oui osons ! Elle vient de ? De ? De ? De Chine du Nord!!! Elle est arrivée là en 1497 à Rennes. Elle permettait une culture familiale nourricière pour pouvoir vendre le blé, source de revenus. Elle poussait dans les terres pauvres et dit-on, c’est la duchesse Anne qui l’a conseillé à son cher peuple. En 1502 on en plante à Saint-Brice-en-Coglès !

Fermez la parenthèse !)

Revenons à notre Ginkgo biloba.

Autre pan de son histoire sur terre, pas la plus ancienne mais celle de notre temps. Qui montre bien que nous vivons dans un « enclos » (origine du mot jardin) qui court tout autour de notre planète (cf. la notion de « jardin planétaire », notion développée par le jardinier- paysagiste Gilles Clément).

Le Ginko est d’origine chinoise (où demeure le plus vieux d‘entre eux qui a 1400 ans, près d’un temple bouddhiste) puis a été introduit au Japon, au 12éme siècle par des moines car cet arbre est considéré comme sacré en Orient. Ces plantations en Chine, en Corée et au Japon près de lieux sacrés ont sauvé cet arbre qui n’existe plus sous sa forme sauvage. Et son nom ? Il signifie en chinois « abricots d’argent » (Ying zing dans la prononciation de l’Empire du Milieu) à cause de ses grappes d’ovules ou suivant les formes archaïques de prononciation de cette langue, conglomérat de plusieurs origines signifiant« patte de canard » à cause de la forme de sa feuille. En japonais cela se prononce « Ginkyo ».

Nos botanistes comme Linné et Kämpfer ont transcrit cela en Gingko et ont ajouté biloba soit « feuille avec deux lobes ». Et comme il avait été payé si cher on le surnomma « l’arbre aux quarante écus ».

Et voilà la boucle fermée des aventures de notre ami ? Pas tout à fait !!! Une surprise encore nous attendait…

Il a, depuis,révélé des qualités exceptionnelles. Le 6 Aout 1945, a eu lieu l’explosion atomique d’Hiroshima. Un Ginkgo situé à un kilomètre de l’épicentre de l’explosion fut le premier arbre à bourgeonner au printemps 1946. Nous révélant ainsi son plus grand secret, une de ces qualités fondamentales venue du fond des âges. Sa résistance aux agents mutagènes et aux radiations. Il absorbe ainsi toutes les pollutions (dont les particules fines) d’une façon extrêmement efficace. New York a, (du coup !) planté des ginkgos tout au long de sa grande avenue de Manhattan, l’une des plus polluées au monde par la circulation.

Alors, enfin, le voilà à l’automne, notre arbre, tout en or à cette saison, bien tendu vers notre ciel à côté du Cèdre de l’Atlas et du Marronnier et s’interrogeant sur l’avenir de notre humanité assez folle pour inventer la bombe atomique.

À nous de le contempler avec stupéfaction et de vouloir le garder le plus longtemps possible encore ici. Le possible nous appartient !!

*

Questions pour un Ginkgo

(Tanka) :

Le sol jonché d’or

Te joues-tu de l’éclat

De la lumière ?

Pattes poudrées d’or

Avec quel oiseau étrange

Rivalises-tu ?

De quel temps lointain

Surgis-tu au matin et

Lègues-tu ton or ?

Or, Or, Or en boule,

En tâche, en volutes, saison

De mort. Feuilles en vol.

(Pour Hiroshima et pour Sens)

Dilik

Nota : un arbre fossile est une espèce panchronique, soit présente actuellement, mais ressemblant morphologiquement à des espèces éteintes identifiées sous la forme de fossiles. On appelle des fossiles vivants le Ginkgo et l’Araucaria.